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E.On fait du chantage à la biomasse Energiers 399 - Bruno Colombari

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Alors qu’il s’est engagé en mai dernier à investir dans la centrale à biomasse à Gardanne, l’industriel allemand a mis en demeure les organisations syndicales d’accepter son plan social en mettant l’avenir de la centrale dans la balance.

LE FEUILLETON DE LA BIOMASSE CONTINUE. En mai dernier, E.On confirmait sa décision de transformer le quatrième groupe de la centrale thermique en unité biomasse conçue pour brûler des plaquettes de bois, des déchets verts et de bois de récupération, à hauteur de 850 000 tonnes par an (le reste étant constitué de charbon cendreux). Les travaux devaient commencer cet été (le démantèlement de la chaudière à lit fluidisé circulant est en cours) jusqu’à la fin 2014, pour un démarrage au début 2015.

Dans le même temps, le groupe s’engageait dans un plan social prévoyant 215 suppressions d’emploi au niveau national (dont 20 à Gardanne). Le 4 juin dernier, le Tribunal de grande instance de Paris suspendait ce plan et renvoyait la direction à la négociation. Que fait alors la direction d’E.On France ? Elle passe en force et demande aux syndicats de renoncer à toute contestation afin de ne pas perdre plusieurs mois de procédure juridique. Sinon ? La centrale à biomasse de Gardanne ne se fera pas. Et le nombre de suppression d’emplois passerait à 535 dans toute la France (une centaine à Gardanne)... Le tout, soit dit en passant, en application de la fameuse loi sur la sécurisation de l’emploi inspirée de l’ANI (accord national interprofessionnel) dont Gérard Filoche avait dévoilé les conséquences en mars dernier.

DEVANT CETTE SITUATION DE BLOCAGE, Roger Meï, maire de Gardanne, a interpellé le 21 juin le Premier ministre Jean- Marc Ayrault, le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg et l’ex-ministre de l’énergie Delphine Batho (remplacée le jour où nous mettions sous presse ce journal) : « Les salariés sont soumis depuis quelques jours à un chantage inacceptable et à une pression indigne de tous les engagements qu’E.On a pris jusqu’à présent à grand renfort de communication. [...] On s’interroge sur les réelles motivations de l’entreprise qui voudrait faire de ce site une vitrine alors qu’elle se désengage partout en France. [...] Je vous demande de bien vouloir intervenir pour que cette pression sur les salariés et ce chantage cessent. » Le gouvernement a nommé lundi 24 juin un médiateur.

La CGT, dans un communiqué du 25 juin, dénonce la « non-prise de décision du gouvernement et de la Préfecture de région qui les rend complices de la situation que vivent les salariés de la centrale de Gardanne. » Elle exige « le maintien du projet industriel et la tenue en Préfecture d’une table-ronde réunissant tous les acteurs.  » Et pose la question du retour au service public en appelant à la création d’un « pôle public de l’énergie au service de tous pour mieux abattre la spéculation au service de quelques-uns. »

CAR AU-DELÀ de la question de la biomasse et de la transition énergétique (le grand débat national en mai dernier n’a eu quasiment aucun écho), la grande question est celle du coût de l’énergie dans les prochaines années (on annonce une hausse probable de la facture d’électricité de 30 % d’ici à 2017) et donc de la précarité énergétique. Laisser des multinationales décider du maintien ou pas de l’activité des centrales électriques en fonction des intérêts de leurs actionnaires est un pari très risqué.