Multimédia

Des ateliers pour tous les âges Bruno Colombari

Publié le

Près de deux cents personnes auront fréquenté les quelques cinq cents séances des ateliers multimédia à la Médiathèque en 2004. Des enfants de cours préparatoire y côtoient des septuagénaires pour s’initier à Internet, apprendre à utiliser un tableur, se former aux langues étrangères, réviser les maths... et bientôt découvrir les logiciels libres.

Les yeux rivés sur l’écran, un casque sur les oreilles, Claudia écoute les consignes qui lui demandent de cliquer sur l’icône du fichier pour l’ouvrir. Ses gestes sont lents, mesurés, sa concentration est maximale. Quand elle coince, elle jette un coup d’œil à Joaquim qui fait la même chose à sa gauche. Claudia a soixante-quinze ans et depuis quatre mercredis, elle prend ses habitudes à l’atelier multimédia de la Médiathèque, sur un poste d’autoformation avec CD-rom. « Vous savez, ce n’est pas bien compliqué : je sais ce qu’il faut faire. Avant, j’étais sténo-dactylo, mais il me faut un peu de temps pour retrouver les touches sur le clavier. » C’est Joaquim qui a découvert l’existence de l’atelier lors d’une démonstration au foyer troisième âge, et qui a incité Claudia à s’inscrire. « Ça faisait longtemps que je voulais apprendre, raconte-t-il. On voit nos petits-enfants se débrouiller, il n’y a pas de raison qu’on n’y arrive pas nous aussi ! D’ailleurs, je vais bientôt acheter un ordinateur pour la maison. » Et quand on lui demande ce qu’il en fera, il répond comme une évidence : « surfer sur Internet, apprendre des langues, tenir les comptes... »

Depuis la réinformatisation de la Médiathèque, en septembre, et l’installation d’ordinateurs neufs, la participation des retraités aux ateliers multimédia ne cesse de croître. Ils sont désormais 30 %, presque aussi nombreux que les moins de 13 ans. Il y a manifestement là une réelle demande, pas tant en terme de moyens matériels que de connaissance et de compétence. Les retraités, qui sont de plus en plus actifs, disposent de temps et ne veulent pas se sentir décrochés par rapport à leurs petits-enfants.

Ces derniers sont aussi très demandeurs des ateliers. La plupart d’entre eux savent déjà se servir d’un ordinateur (on dirait parfois qu’ils sont nés avec une souris dans la main). Mais ils peuvent utiliser des CD-rom qui ne sont pas au prêt, essentiellement des jeux éducatifs : Les Schtroumpfs, Forestia, l’Amerzone, les Zoombinis, Carmen Sandiego, Harry Potter... Vincent vient de passer une heure en compagnie de Scoubidou. « Je devais aider le monsieur à sortir du bateau, puis je suis allé dans la grande pyramide et j’ai vu la momie. » En CP à l’école Prévert, il y a un ordinateur chez lui mais pas d’accès à Internet. Clément, lui, est en CE2. Il est venue avec sa petite sœur Margot, accompagnés de leur grand-mère. « Je viens presque tous les mercredis à l’atelier, je choisis les CD-rom et je joue. A la maison, j’ai un ordinateur, mais je ne me sers pas d’Internet. A l’école, le lundi on a informatique, on copie des textes. »

Une alternative au monopole privé

Forte de ce succès public, la Médiathèque met en place à partir d’avril des ateliers consacrés aux logiciels libres (voir encadré). Ces outils, alternative ouverte et non commerciale aux poids lourds qui équipent les ordinateurs, sont en plein essor. « La Médiathèque n’a pas la prétention de réduire les inégalités dans l’accès aux nouvelles technologies, explique Mustapha El Miri, adjoint au maire chargé de la culture. Elle y contribue, à sa mesure. Mais ces inégalités sont au moins autant culturelles que financières. C’est pourquoi on doit travailler sur les contenus. Ça passe aussi par le fait de dire qu’en matière de logiciels, il existe autre chose que Microsoft. En tant que service public, nous n’avons pas à être les commerciaux d’un monopole privé. En revanche, on peut donner une tribune d’expression aux associations qui s’efforcent de promouvoir les logiciels libres. »

C’est ce qui s’est fait en invitant en janvier dernier Rosaire Amore (vice-président de l’Association française des utilisateurs de logiciels libres) dans le cadre du cycle Sciences et Idées. « Les grosses entreprises de logiciels sont en guerre ouverte contre le libre, soulignait-il. Elles le font en brevetant tout ce qu’elles peuvent, comme l’a fait par exemple Microsoft avec le double-clic. » Une démarche qui ressemble furieusement aux brevets sur le vivant et sur les médicaments.
Mais la résistance s’organise. Le cas de la ville de Munich, qui a fait passer ses 14 000 ordinateurs sous Linux (un système d’exploitation alternatif à Windows), est éclairant. A Gardanne, le site internet de la ville fonctionne avec SPIP. Le service jeunesse utilise le navigateur Firefox et la messagerie de la mairie tourne sous le logiciel Mercury. Des négociations sont en cours avec les écoles pour installer des logiciels libres sur les postes informatiques. Même si, comme le souligne Mustapha El Miri, « Il faut une volonté politique au niveau national, et ça n’en prend pas le chemin. De plus en plus de sites proposent des accès payants. L’initiation qu’on met en place s’inscrit dans une bataille contre l’aspect commercial des nouvelles technologies et les barrières culturelles qui en bloquent l’accès à de nombreuses personnes. »

Des premiers clics aux logiciels libres

Les ateliers d’autoformation et de consultation de CD-Rom (mercredi de 14h à 17h, samedi de 10h à 12h et de 14h à 17h) ont beaucoup de succès : il est possible de travailler de façon autonome sur l’apprentissage de langues (de l’anglais au japonais en passant par l’espagnol, l’italien ou l’allemand), la généalogie, les gestes qui sauvent, le permis de conduire, les CV et bien sûr les principaux logiciels traitement de texte, tableurs, bases de données, courrier électronique). Les enfants utilisent des CD-Rom ludo éducatifs adaptés à leur tranche d’âge. Pour ceux qui découvrent l’informatique, il y a aussi ateliers d’initiation, sous la conduite d’un animateur (le mardi de 17h30 à 19h) : Les premiers clics sur un ordinateur, pour se familiariser avec la machine, la souris et le clavier, et Internet, avec la présentation du réseau, de la navigation, des liens, du courrier. Et à partir d’avril, tous les samedis matins, il y aura un atelier d’initiation aux logiciels libres, avec pour commencer Open Office (traitement de texte). Pour s’inscrire à ces ateliers, c’est très simple : il suffit d’avoir une carte de lecteur de la Médiathèque, de choisir un créneau disponible (une heure par semaine et par personne) et de se faire enregistrer à l’accueil. C’est gratuit.