Logement

Comment prévenir les expulsions Bruno Colombari

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Avec la fin de la trêve hivernale, plusieurs familles se retrouvent menacées d’expulsion pour cause de loyer impayé. Le Centre communal d’action sociale met en place des mesures pour éviter d’en arriver là, malgré le désengagement de l’État.

Pour la plupart des habitants, le mois de mars annonce le retour des beaux jours. Mais pour ceux qui ne parviennent plus, faute de ressources, à payer leur loyer, la date du 15 mars est cerclée de rouge. C’est en effet ce jour-là qu’en France est rompue la trêve hivernale, et que les expulsions reprennent. Avec la flambée de l’immobilier, la crise du logement et la précarisation croissante, les procédures d’expulsion ont augmenté de 37 % en cinq ans, selon les chiffres du ministère de la Justice.

Du coup, même des salariés se retrouvent en situation d’impayés. En 2005, à Gardanne, le CCAS a suivi 49 familles avec une enquête sociale, dont 25 ont fait l’objet d’une procédure d’expulsion. « Près de la moitié sont des salariés, constate Georges Felouzis, directeur du CCAS. Il faut sortir du schéma type du bénéficiaire du RMI qui ne peut pas payer son loyer. De même, 20 % des propriétaires concernés sont des privés, parfois des retraités dont les revenus sont modestes et pour qui le loyer est indispensable. »

Dans les motifs de l’expulsion, les dettes locatives représentent les deux-tiers des cas, mais la séparation, la perte d’emploi ou le décès du conjoint, ce qu’on appelle les “accidents de la vie”, ne sont pas rares puisqu’ils sont les facteurs déclenchants deux fois sur cinq. « Il faut aussi ajouter les conflits de voisinage, sur lesquels nous n’intervenons pas, » précise Georges Felouzis. En fait, la partie visible de l’expulsion (les huissiers, les gendarmes et les meubles empilés sur le trottoir) est heureusement relativement rare : à Gardanne, aucun cas en 2005 et un seul en 2004.

Avant d’en arriver là, il y a des mois, parfois des années de travail des services sociaux. « Depuis la loi contre les exclusions de 1998, on est passé d’une notion de l’ordre public à un traitement social et préventif. Au CCAS, nous avons deux assistantes sociales chargées de mener des enquêtes sociales auprès des familles sous le coup d’une procédure d’expulsion. On recherche avec le locataire toutes les solutions possibles, en partenariat avec la Caisse d’allocations familiales et la Maison de la solidarité. On peut aussi mettre en place des mesures “Asell” (accompagnement socio-éducatif lié au logement) : pendant un an, une conseillère en économie sociale et familiale suit une famille chaque semaine et l’aide à gérer son budget. »

Mais là aussi, l’État se désengage : depuis 2003, le financement de ces mesures a diminué de moitié, et celui du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) a baissé de 30 %. Côté habitat, ce n’est pas mieux. Toutes les mesures permettant d’aider les propriétaires à réhabiliter les logements anciens ou insalubres sont en train de disparaître, favorisant la multiplication des squatts. Peut-on encore décemment parler de cohésion sociale dans ces conditions ?

Georges Pazzaglini* : « une action peu spectaculaire mais efficace »

Certains élus ont pris récemment des arrêtés contre les coupures d’électricité et les expulsions locatives. Qu’en pensez-vous ?

Nous travaillons différemment. Nous basons notre action sur la prévention et sur le travail avec les services de l’État et du département. Une commission réunissant les adjoints au maire chargés du logement, du social et de la sécurité, ainsi que les travailleurs sociaux concernés, a fait le point début mars. Il y a treize familles concernées que l’on va suivre. Ce ne sont pas des mesures spectaculaires, mais elles sont plus efficaces.

Vous rencontrez personnellement les familles menacées d’expulsion. Que leur dites-vous ?

Chaque cas est différent. Certaines sont dans des difficultés chroniques, d’autres ont des problèmes plus ponctuels qui peuvent les faire basculer dans la précarité. On leur dit que leur participation est essentielle, il faut qu’elles soient présentes, sinon rien n’est possible. On leur demande aussi d’être responsables, car on engage notre crédibilité auprès des bailleurs sociaux.

* adjoint au maire chargé de l’action sociale