Malespine

Comment faire du vert avec du rouge Energies 369 - Loïc Taniou

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Proche de l’argile, la Bauxaline fabriquée par Rio Tinto Alcan à partir des résidus de bauxite peut-être utilisée pour des soubassements de routes, des remblais ou encore la réhabilitation de carrières. Le centre d’enfouissement de la Malespine vient d’y recourir pour finaliser une partie de son site avant sa végétalisation.

En avril 2011, au moment de l’inauguration de l’usine de Verdesis qui transforme le biogaz issus des ordures ménagères en électricité, les derniers tonnages de déchets arrivaient sur la tranche Ouest du site du centre d’enfouissement de la Malespine. En effet, la Semag, société d’économie mixte de la ville de Gardanne et gestionnaire du site, procédait à l’arrêt de l’exploitation de cette partie du site et préparait son recouvrement et sa réhabilitation, en utilisant notamment la Bauxaline issue des résidus de bauxite traitée par Rio Tinto Alcan (ex- Pechiney).

« Le travail de finalisation du site s’est déroulé de septembre dernier à fin janvier 2012, explique Jean-François Velly, directeur de la Semag, où différentes couches sont venues recouvrir progressivement une surface de 2 hectares de la Malespine. Sur les déchets ménagers compactés, une première sous couche de terre a ainsi été déposée avant un recouvrement de Bauxaline en provenance de l’usine d’alumine de Rio Tinto Alcan. 12400 tonnes ont été ainsi déposées. Ensuite, une toile géotextile a pris place et 6 400 tonnes de ballast recyclé issues de l’usine voisine Durance Granulats, spécialisée en recyclage de matériaux de chantiers, ont été superposées avant une couche finale de 60 cm de terre. Enfin, après une à deux années consacrées au tassement de la terre, le site trouvera sa stabilité et la végétation viendra prendre ses droits avec notamment de petits bosquets. »

Ce genre d’utilisation de la Bauxaline en couverture de décharge est une des solutions mise en oeuvre par Rio Tinto Alcan pour faire face à la fin des rejets des boues rouges en baie de Cassis. En effet, ces rejets (180 000 tonnes en 2010) sont actuellement acheminés par un pipeline long de 47 km et rejetés en mer à une profondeur de 320mètres dans un canyon sous-marin. Et même s’ils sont inertes, ils doivent cesser au 1er janvier 2016.

D’où l’enjeu de la valorisation de la Bauxaline et son utilisation dans différents travaux publics et chantiers. Un processus mis en oeuvre en 2007 permet de transformer, via un filtre presse, les résidus liquides obtenus après production de l’alumine en matériau solide et commercialisable dans de nombreux domaines : la Bauxaline.

« A partir de la bauxite brute, nous fabriquons pour 60 à 70 % de l’alumine, détaille Laurent Poizat, chef de projet à Rio Tinto Alcan. Les 30 à 40 % de résidus restant, soit nous les évacuons en baie de Cassis, soit nous les stockons sur le site de Mangegarri situé à quelques kilomètres de l’usine, soit nous les valorisons sous forme de Bauxaline. Aujourd’hui, nous devons donc trouver des débouchés supplémentaires pour la Bauxaline.  » Les récentes utilisations en couverture de décharges, ont permis de recycler 130000 tonnes dans les Bouches-du-Rhône pour l’année 2011.

Ainsi, La Malespine a pu accueillir 12 400 tonnes et la décharge d’Entressens plus de 62 000 tonnes. La construction du premier filtre presse, qui peut produire jusqu’à 150000 tonnes de Bauxaline par an a permis de réduire de moitié les rejets à la mer et le stockage sur le site de Mangegarri. Avec l’objectif de stopper tout rejet au 1er janvier 2016, deux autres filtres-presses seront d’ailleurs construits sur le site même de Mangegarri où les boues seront acheminées.

« Nous essayons d’être de plus en plus présents sur les appels d’offres, poursuit Laurent Poizat, et de trouver des acteurs qui jouent le jeu en choisissant de recourir à la Bauxaline plutôt qu’à des matériaux fabriqués en carrière. Plus les débouchés de la Bauxaline seront diversifiés, moins nous aurons à la stocker. Aussi, nous travaillons à une nouvelle utilisation de celle-ci. En effet, mélangée à de l’oxyde naturel, elle possède des aptitudes très intéressantes pour capter les métaux lourds. Elle pourrait sous cette forme participer à la dépollution de sols, notamment ceux d’anciennes industries ou usines, ou encore être utilisée en station d’épuration pour capter les phosphates et dérivés. » Un volet actuellement à l’étude, notamment en partenariat avec une PME australienne Virotech, et qui semble porteur d’avenir.

Enfin, la Bauxaline peut-être utilisée en grands volumes pour des soubassements de routes, pour des remblais de parkings ou encore l’aménagement de plateformes logistiques comme par exemple celles de la zone industrialo- portuaire de Fos-sur-mer.

Toujours est-il que l’utilisation de la Bauxaline en couverture intermédiaire sur le site de La Malespine est très intéressante car elle permet d’imperméabiliser la colline, de faciliter sa revégétalisation et enfin de contribuer à une meilleure récupération du biogaz.

« Elle permet de mieux piéger le biogaz pour qu’il aille vers les différents points de collecte, souligne Jean-François Velly de la Semag. Elle empêche les infiltrations des eaux pluviales dans les déchets pour limiter la production de lixiviats qui sont sinon traités en station d’épuration. Ce qui permet de produire un biogaz de meilleure qualité. » D’ailleurs, une récente implantation de douze nouveaux puits de captage du biogaz vient également d’être réalisée pour venir compléter et renforcer le réseau de captage du biogaz acheminé à l’usine de production d’électricité de Verdesis. Vingt-six puits de captage sont ainsi en fonction.

Enfin, quatre nouvelles alvéoles d’une surface de 5 000m2 chacune viennent d’être installées en contrebas du site de La Malespine pour accueillir désormais les déchets ménagers. Ce nouveau site étant situé en contrebas devrait apporter moins de gênes, notamment sonores et olfactives, pour les riverains.