Santé

Centre de santé : le temps presse Energies 379 - Bruno Colombari

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Le Tribunal de grande instance examinera à nouveau la situation du Grand conseil de la mutualité le 9 août prochain. La mise en place du paiement à l’acte pour les médecins généralistes ne passe pas.

Le feuilleton continue, mais il commence à lasser sérieusement ses acteurs, épuisés par dix-huit mois de lutte qui n’en finit pas. Le 26 juin dernier, le Tribunal de grande instance a réexaminé la situation du Grand conseil de la mutualité (GCM) qui gère entre autres onze centres de santé dans le département, dont celui de Gardanne. Depuis novembre 2011, un redressement judiciaire est en cours, menaçant 1 200 emplois et 200 000 usagers.

Le nouveau gouvernement et sa ministre de la santé, Marisol Touraine, ont affirmé début juin leur volonté de mettre en place un plan de restructuration pour sauver les centres de santé mutualistes. Mais pour l’instant, à part les déclarations d’intention, rien ne suit : lors de la réunion du 7 juin dernier à l’Agence régionale de santé (ARS), l’administrateur judiciaire avait sollicité le gouvernement pour qu’il débloque 3 millions d’euros en urgence permettant d’éviter une liquidation judiciaire. Pas de réponse.

L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) devait remettre depuis le mois de mai un rapport très attendu sur la situation du Grand conseil de la mutualité. On l’attend toujours. Enfin, le TGI a constaté que le plan de redressement n’a pas été présenté dans le détail par le GCM, et qu’un financeur local (qui n’a pas été cité) serait prêt à mettre de l’argent dès qu’un plan serait validé par le TGI.

Bref, la situation est bloquée. « On va réinterpeller le gouvernement, annonce Cathy Roncin, médecin-directrice du centre de santé François-Billoux. On a déjà obtenu une table-ronde avec l’ARS en juin, on ne va pas s’arrêter là, même si la période estivale n’est pas le meilleur moment pour mobiliser. »

A cette situation chaotique s’est ajouté un conflit ouvert entre médecins généralistes et direction du GCM : dans son plan de redressement, cette dernière a décidé que les médecins ne seraient plus payés à la fonction mais à l’acte (comme les spécialistes). Ce qui veut dire accélérer le rythme des consultations (d’environ 40 %) pour ne pas perdre de salaire. 38 médecins sur 41 ont signifié leur refus du paiement à l’acte devant huissier le 26 juin. La direction du GCM a refusé de négocier.

« On nous demande de faire une consultation toutes les dix minutes, alors que la durée moyenne en France est de seize minutes, ajoute Cathy Roncin. Je ne veux pas faire de la médecine d’abattage, ça fait trente ans que j’exerce ce métier et je ne vais pas changer maintenant : la qualité, l’écoute du patient, ça prend du temps. Par rapport aux libéraux, on fait deux fois plus d’actes de prévention, plus de tests Hémoccult (dépistage du cancer colorectal) et nous voyons trois fois plus de malades chroniques, ce qui nécessite des consultations plus longues. »

D’après elle, si ce nouveau mode de rénumération est mis en place, « on n’arrivera pas à recruter des médecins à ces conditions, alors que la démographie médicale fléchit en ce moment. Nous ne demandons pas à être à l’identique des médecins libéraux, mais il faut un minimum. »

Nul ne sait ce qui se passera le 9 août prochain. Dans son courrier adressé le 12 juin à Emmanuel Douhaire l’administrateur judiciaire, Marisol Touraine termine par cette phrase : « Je souhaite vivement que ne soit pas prononcée une liquidation judiciaire et qu’au contraire l’ensemble des acteurs puissent bénéficier d’un délai raisonnable pour assurer la mise au point d’un plan de redressement.  »

On imagine l’effet désastreux qu’aurait une liquidation pour la politique de santé publique du nouveau gouvernement qui cherche à développer le tiers-payant... déjà pratiqué par les centres de santé mutualistes.