Economie - SNET

Centrale : une politique industrielle incohérente Bruno Colombari

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Alors que les perspectives de la construction d’un sixième groupe s’éloigne à la centrale thermique, la SNET, filiale de Charbonnages, manœuvre pour devenir concurrent d’EDF une fois le marché français de l’électricité privatisé, en juin 2004.

2003, année noire. A la fermeture précipitée de la mine en février et à l’annonce de l’OPA d’Alcan sur Pechiney en juillet, se sont ajoutées les grandes manœuvres autour de la SNET en septembre. Mine, Pechiney, centrale : les trois piliers industriels autour desquels Gardanne s’est développée tout au long du vingtième siècle sont attaqués l’un après l’autre, victimes d’une politique industrielle devenue incohérente.

Résumons la situation. Créée en 1995 pour gérer les centrales thermiques de Charbonnages de France, la SNET (société nationale d’électricité et de thermique) est contrôlée à 51,25 % par CDF, à 18,75 % par EDF et à 30 % par un producteur espagnol d’électricité, ENDESA. Mais le partage n’est que provisoire. Une redistribution des cartes s’annonce, avec l’arrivée d’un nouveau protagoniste : Gaz de France. Le 16 septembre dernier, le Ministère des finances a donné son accord de principe à une alliance entre ENDESA et GDF. Courant 2004, l’Espagnol deviendrait actionnaire majoritaire de la SNET à hauteur de 65 % et le gazier disposerait de 35 % du capital, avec une minorité de blocage. Dans le même temps, la commission européenne demandait à EDF de sortir du capital de ses deux principaux concurrents, la SNET et la Compagnie nationale du Rhône (CNR), afin de ne pas faire obstacle à la saine concurrence, comme l’on dit dans le jargon libéral. Autrement dit, on demande à un électricien de céder ses parts à un gazier, pendant qu’un producteur de charbon met la clé sous la porte. Tout ça, on vous le rappelle, pour continuer à produire de l’électricité à partir du charbon !

Tout cela serait plus ridicule que scandaleux si, en fin de compte, ce n’étaient pas les mêmes qui paieraient les pots cassés : les salariés à une extrémité, les consommateurs à l’autre. ENDESA, qui voulait se servir de la SNET pour infiltrer le marché français, est en proie, selon le journal La Tribune du 17 septembre, à de "sérieuses difficultés financières." Quant à la SNET, elle vient de prendre 27 % du capital de Poweo, une start-up distributrice d’électricité créée par un courtier et qui vise les PME. Poweo se veut un concurrent d’EDF, en misant sur des tarifs attrayants grâce à des effectifs des plus réduits. Sur les 250 salariés de la centrale de Gardanne, un tiers seraient menacés. Selon la SNET, que nous avons contactée le 17 octobre, « il y aura une adaptation des effectifs pour rattraper notre retard de productivité sur EDF. C’est le Conseil d’État qui nous le demande. »

Vers un monopole privé

Quant au consommateur, il ne devra pas s’attendre à de gros cadeaux. La concurrence sur les prix ne concerne que les entreprises (quelle que soit leur consommation, à partir du 1er juin 2004), elle ne touchera les particuliers qu’en 2007. D’ici là, on peut parier sur le fait que le marché sera aux mains de deux ou trois gros opérateurs sur le continent, remplaçant les monopoles publics sous contrôle de l’État par des monopoles privés gérés par les actionnaires.

Le 25 septembre dernier, dans une motion votée à l’unanimité par le Conseil municipal, Philippe Pintore, élu chargé du développement économique, affirmait : « derrière l’opacité de telles spéculations, la seule logique est celle des profits financiers, sans aucune perspective de développement industriel. » Il a demandé à Nicole Fontaine, ministre de l’Industrie, de s’expliquer sur le projet industriel GDF-ENDESA et sur l’avenir industriel du site de Gardanne. Le développement industriel, en effet, semble bien bouché : le sixième groupe de 370 MW promis par le gouvernement précédent n’est plus évoqué par personne, quant aux travaux de désulfuration du groupe 5, toujours selon la SNET, « ils coûteront 150 millions d’euros, une somme énorme avec une rentabilité aléatoire. »

Les 20 et 21 octobre, les actionnaires de la SNET rencontraient à Paris les représentants syndicaux. Ces derniers sont ressortis pessimistes : « Le climat social se dégrade sur tous les sites de la SNET, témoigne Serge Coutouris, secrétaire général de la CGT du site de Gardanne. Sur 230 salariés, 70 sont détachés de la mine et vont partir dans les prochains mois, alors que le nombre d’heures supplémentaires explose et que la sécurité se dégrade. Nos attentes en terme d’effectifs et d’investissements n’ont eu aucune réponse. On entend dire que la SOPROLIF [qui gère le groupe 4, NdlR] n’est pas rentable. » Le 6 novembre, une réunion est prévue avec les directions de la SNET et d’ENDESA. Celle de la dernière chance ?