Production électrique

Centrale : dépollution et projets d'avenir Stéphane Conty

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La centrale thermique, propriété du groupe espagnol Endesa par le biais de sa filiale SNET, connaît une actualité chargée en cette rentrée 2005-2006. D’une part les travaux de dépollution du groupe 5 ont été engagés. D’autre part le groupe Endesa fait l’objet d’une OPA dont le résultat est incertain...le tout sur fond d’annonce de création du groupe supplémentaire de production d’électricité

Les travaux de dépollution des fumées sur le groupe 5 ont débuté à la centrale thermique de Gardanne. Ce chantier de grande envergure s’étalera sur une durée de 3 ans et devrait mobiliser jusqu’à 300 personnes en période de pointe, pour un coût de 81 millions d’euros « dont 75 % seront financés par EDF dans le cadre d’accords passés » comme le rappellent les responsables CGT de l’entreprise.

Au 1er janvier 2008 la réglementation européenne fixe les nouvelles limites autorisées pour les rejets dans l’atmosphère d’oxydes d’azote et d’oxydes de souffre. Pour entrer dans le cadre de cette réglementation et permettre à la tranche 5 de poursuivre son activité au-delà de 2015, deux installations spécifiques vont être construites à Gardanne.
Pour réduire les émanations d’oxyde d’azote, le procédé de dénitrification retenu consiste à traiter les fumées chaudes sur des catalyseurs prenant place dans 2 installations qui avoisineront chacune les 60 m de haut et un poids de 700 tonnes.
Pour traiter les rejets d’oxyde de soufre, la désulfuration se fera grâce au lavage humide des fumées dépoussiérées, par aspersion d’une solution calcaire. L’unité de dénitrification sera notamment composée d’un absorbeur de 36 m de haut et 17 m de diamètre, et d’un silo à gypse de 48 m de haut.

Pour Bernard Bastide, élu adjoint à l’environnement « ces travaux homologués par la DRIRE sont une bonne chose, d’autant qu’ils devraient améliorer non seulement la qualité des rejets, mais aussi avoir une incidence positive sur les bruits ponctuels. Quant au résultat effectif, on jugera sur pièce à partir des contrôles qui seront effectués.  »

L’OPA sur Endesa

C’est le lundi 5 septembre que le groupe gazier espagnol Gas Natural a lancé une offre publique d’achat (OPA) sur le groupe espagnol d’électricité Endesa propriétaire de la centrale. C’est un peu David qui voudrait avaler Goliath puisque Gas natural est capitalisé en bourse pour 11 milliards d’euros contre le double pour Endesa. L’offre d’achat d’un montant de 22,5 milliards d’euros, si elle réussissait, ferait de Gaz Natural le 4ème fournisseur énergétique européen, et le 3ème groupe privé de services collectifs dans le monde, commercialisant gaz et électricité à quelques 31,2 millions de clients.

Mais pour Nadir Hadjali, délégué CGT de la centrale, le problème est ailleurs. « Une entreprise privée ou une autre, pour nous c’est la même chose. Par contre si l’OPA devait aboutir, nous demandons au gouvernement de s’assurer que le futur actionnaire majoritaire arrive avec un projet industriel dans lequel la Snet et le site de Gardanne soient pris en comptes. Après 10 ans de lutte nous avions obtenu que la SNET investisse 1,5 milliard d’euros dans des moyens de production diversifiés et dans la rénovation des centrales existantes. L’OPA ne doit pas tout remettre en question ! »

Une incertitude d’autant plus justifiée qu’Endesa et Gaz Natural ne sont pas les seuls protagonistes de l’affaire. En effet, pour des raisons de “saine concurrence”, en cas de réussite de son OPA, Gas Natural s’est engagée à céder 20% des actifs d’Endesa à son concurrent électricien espagnol Iberdrola, actifs dont la Snet ferait partie. Donc, si Gas Natural achète Endesa, se serait Iberdrola qui récupérerait la Snet... à moins que ce ne soit le géant italien de l’électricité Enel qui souhaite investir le marché français de l’énergie par l’acquisition d’actifs de la Snet.

Comme le commente Joël Capra délégué syndical à la centrale, « il faut savoir que ces deux dernières années en Europe, 100 milliards d’euros ont été dépensés dans des opérations de fusion-acquisition de sociétés du domaine énergétique. Or cette somme colossale n’a pas abouti à la création du moindre mégawatt supplémentaire, ni au moindre euro d’investissement dans la recherche. »

Et la 6ème tranche ?

Créée en 1995, la Snet devait permettre de pérenniser les activités électriques de Charbonnages de France dans le cadre du pacte charbonnier. Des engagements avaient alors été pris suite à de mutiples actions menées dans le Bassin minier et relayées par Roger Meï à l’Assemblée nationale, notamment la création d’une 6e tranche de production d’électricité sur le site de Gardanne. Dix ans après on l’attend toujours. Toutefois des études ont été menées en 1999 et en 2005 pour la construction de cette 6ème tranche.
Pour Nadir Hadjali, « si le 6ème groupe est enfin construit nous ne pourrons qu’être satisfaits, d’autant qu’il est vraiment nécessaire pour pouvoir assurer les besoins énergétiques croissants de la région. Toutefois l’étude de 2005 porte sur l’implantation d’un groupe de 400 Mw au gaz. Or nous pensons qu’un groupe au charbon serait beaucoup plus approprié, et ce pour plusieurs raisons. Les réserves mondiales actuelles ne permettraient que 70 ans de production dans les prévisions les plus optimistes alors que pour le charbon il y en a au moins pour 200 ans. Ensuite, le prix du gaz est indexé sur celui du pétrole, donc difficile à maîtriser. D’ailleurs il n’y a qu’à constater la flambée actuelle des cours du pétrole pour s’en convaincre. Enfin, le charbon est plus intéressant en termes d’emplois, et pas seulement au sein de l’usine. Il représente des emplois pour le port autonome de Marseille, pour le fret SNCF, pour d’autres entreprises comme Alcan (Pechiney) ou même pour les usagers du train. La décision de la direction de Endesa sur cette création devrait être annoncée très prochainement. »

Il est à espérer en effet que la privatisation progressive du secteur de l’énergie n’aboutisse pas au même résultat que pour la téléphonie mobile en France où trois opérateurs se sont mis d’accords pour fixer des tarifs élevés et dicter leur loi aux clients. Surtout qu’alors les conséquences en seraient autrement plus graves.