Citoyenneté

Cent trois maires disent non à la métropole Energies 389 - Bruno Colombari

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Le 21 décembre dernier, à l’occasion de la visite à Marseille de Marylise Lebranchu (Ministre de la décentralisation), 103 maires des Bouches-du-Rhône se sont retrouvés devant les grilles du Parc Chanot, accompagnés de 3000 manifestants, pour repousser le projet de métropole marseillaise qui absorberait fin 2014 la moitié Est du département.

60 % du territoire des Bouches-du-Rhône, 77 % de ses communes et 92 % de ses habitants  : voilà ce que pèsera la métropole marseillaise dans moins de deux ans, si toutefois elle voit le jour. Car pour l’instant, le projet du gouvernement, dans la droite ligne de la réforme territoriale de 2010 voté par la majorité précédente, est loin de faire l’unanimité. Ou s’il la fait, c’est plutôt contre lui.

En venant à Marseille le 21 décembre dernier pour présider une conférence métropolitaine, la Ministre de la décentralisation Marylise Lebranchu pensait convaincre les maires du département du bien fondé de la démarche. Les maires étaient bien là, mais pour la plupart ils sont restés à l’extérieur du parc Chanot, rejoints dans le courant de la matinée par 3 000 manifestants venus principalement de Martigues et d’Aubagne mais aussi de Gardanne. 103 maires du département (sur 119) ont signé une lettre au Président de la République et au Premier ministre le 11 décembre dernier.

« L’an dernier, nous avions rencontré Madame Lebranchu qui avait dit qu’il fallait abroger la loi Sarkozy, rappelle Roger Meï. Avec le collectif “Sauvons nos communes,” nous nous sommes battus. Vous voir aussi nombreux aujourd’hui nous donne l’espoir qu’on va changer les choses. Les parlementaires ne doivent pas voter cette loi. »

Sur la tribune improvisée sur la plateforme d’un camion, de nombreux maires se succèdent, eux-mêmes surpris par l’ampleur du mouvement de protestation, au-delà des étiquettes politiques : « Depuis la Libération, jamais il n’y a eu autant de communes dans le même combat ici, se réjouit Frédéric Vigouroux (Maire de Miramas). La métropole intégrée n’améliorera pas les transports, l’habitat et le développement économique. »

Jean-Pierre Bertrand (Maire de Plan-de-Cuques), ajoute : « Je suis très optimiste, car comment ne serions-nous pas entendus à 103 maires, puisque Pertuis nous a rejoint ? Très peu de communes sont favorables à la métropole. » Yves Vidal (Maire de Grans) rappelle : « Ça fait deux ans que nous menons ce combat. Il est encore temps que le gouvernement respecte sa parole. La loi Sarkozy de 2010 doit être abrogée, et il faut se mette autour de la table. »

Un projet d’établissement public préfigurant un pôle métropolitain, moins contraignant que la métropole, a été remis par l’Union des maires des Bouches-du-Rhône à Marylise Lebranchu.

Deux préoccupations reviennent régulièrement dans les interventions des maires : la démocratie locale et la défense des services publics. Georges Rosso (Maire du Rove) affirme  : « Les communes appartiennent aux habitants. Les maires passent, les habitants restent. La République, c’est les communes. » alors que Jean-Marc Charrier (Maire de Port- St-Louis-du-Rhône) précise : « Fondre les communes dans une métropole entraînera un recul des services publics. Nous voulons défendre les services publics dans la coopération. Rien ne peut se faire contre l’avis des populations. »

Magali Giovannangeli (Présidente de la communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne) rappelle que « Les services publics donnent un sens à la vie politique avec l’accès au droit, » ce que Gaby Charroux (Maire de Martigues) complète : « Ce qui est en jeu, c’est la démocratie locale. Les services publics, c’est le patrimoine de ceux qui n’ont rien. »

Ce que les élus reprochent au gouvernement, c’est cette volonté de passer en force avec une loi qui s’appliquerait très vite, dans moins de deux ans. « En quelques mois, on veut faire ce qu’on n’a pas fait en 45 ans depuis le premier projet d’aire métropolitaine marseillaise,  » rappelle Jean-Pierre Maggi (Maire de Velaux). On pourrait même remonter à 1919, où pour la première fois est évoqué un Grand Marseille, comme le raconte Bernard Morel dans son livre Marseille, naissance d’une métropole (éditions L’Harmattan, 1999) : « L’idée de Grand Marseille ou de métropole marseillaise n’est pas neuve. L’expression Grand Marseille est employée à la fin de la première guerre mondiale dans un rapport du Conseil général des Bouches-du- Rhône dans la perspective de coordonner les actions communales. Quant à l’expression d’aire métropolitaine marseillaise, on la trouve en 1967 dans le schéma directeur de l’aire métropolitaine marseillaise. Le Grand Marseille, c’était un Marseille plus grand. »

Ce n’est pas vraiment ce qui s’est passé, du moins pas tout de suite, puisque la communauté urbaine actuelle n’a vu le jour qu’en 2000. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault s’est pourtant voulu optimiste lors du l’ouverture de Marseille-Provence 2013 le 12 janvier dernier : « Je crois que c’est à portée de mains, que nous pouvons donner à Marseille-Provence tout son rayonnement et donner vie à tous les projets. »

Ce n’est pas pour autant qu’il a donné suite à la demande d’entretien formulé par les maires des Bouches-du-Rhône, contrairement au Président de la République : le 11 janvier, quatre représentants des maires signataires ont été reçus à l’Élysée par Gilles Clavreul, conseiller technique de François Hollande, chargé des affaires territoriales. « La commune constitue le socle de la vie locale et les maires sont les principaux garants de la démocratie, des libertés locales et d’une gouvernance humaine des territoires, » a affirmé l’Élysée.

Le 1er février prochain, une conférence territoriale sera organisée à Marseille par les 103 maires signataires, en présence notamment de représentants de l’État et du monde économique. Nous y reviendrons dans un prochain numéro.

Roger Meï : « La métropole ne répond pas aux besoins des habitants. »

Si la métropole est mise en place, qu’est-ce qui va changer ?

C’est la métropole qui va régenter 80 communes, on va vers la disparition des communes. Le pôle métropolitain, c’est préparer la métropole. Mais on ne répond pas aux besoins des habitants. Pourtant, nous sommes prêts à coopérer, on l’a fait avec Marseille- Provence 2013, on peut coopérer sur les transports aussi, il faudrait que ce soit le département qui unifie les réseaux, comme c’est le cas dans le Var (avec le réseau Varlib, NdlR). Dans un autre registre, on travaille actuellement avec Simiane qui met en place une régie municipale de l’eau.

Avez-vous été surpris par la mobilisation des maires ?

Nous avons créé il y a quelques années le collectif Sauvons nos communes qui a regroupé une cinquantaine de maires de toutes tendances politiques. L’Union des maires des Bouches-du-Rhône a repris la démarche et l’a élargie, tant mieux.

Que va-t-il se passer dans les prochains mois ?

Gardanne rejoindra la CPA au 1er janvier 2014, comme l’a notifié le Préfet Hugues Parant dans un courrier envoyé le 18 décembre dernier. Nous travaillons actuellement avec Aix pour préparer cette intégration.