C’est la montre à l’envers ! Energies 443 - Jeremy Noé

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Installé à la Tuilerie Bossy de Valabre l’horloger Thierry Gibernon vient de remporter le prix de l’innovation des trophées Art & Co de la Communauté du pays d’Aix*. C’est l’occasion de faire connaissance avec son dernier projet, une collection de montres aussi luxueuses qu’originales, dont les aiguilles tournent dans le sens inverse...

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De restaurateur, l’horloger d’art Thierry Gibernon s’est fait créateur de montres, avec des premiers modèles de luxe sur lesquels il a œuvré en orfèvre des milliers d’heures.

Vous êtes à la une aujourd’hui avec un projet bien particulier.
C’est une collection de trois montres avec chacune un concept philosophique. “Ante tempus,” a un mécanisme trigonométrique automatique (c’est-à-dire que ses aiguilles tournent de la droite vers la gauche). J’ai voulu changer de perspective. J’ai réfléchi sur le fait que les coureurs tournent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Idem, pour les danseurs au bal, pour le vin qu’on fait tourner dans le verre en œnologie, ou même quand on fait les cent pas au téléphone... je me suis dit « Il y a un truc, là. »

Jusque-là restaurateur, vous vous êtes fait créateur. un défi ?
Aussi bon soit le mécanicien qui répare une Ferrari, entre réparer une Ferrari et en construire une : c’est un autre monde. Une montre embarque avec elle une vingtaine de métiers différents : mécanique, chimie, design, travail du verre et des métaux précieux... ne serait-ce que pour faire tenir les lubrifiants au bon endroit, il y a de la physique appliquée. J’ai lu beaucoup de livres. Il m’a fallu quatre à cinq ans pour bien assimiler certaines choses.

Sur les trois montres produites, la première a déjà trouvé acquéreur. Pour combien ?
Pour une somme en dessous de 100 000... mais à cinq chiffres. Il faut savoir que les chiffres romains des heures, c’est de l’or, la gravure du nom de la montre, à l’intérieur du cadran, “ante tempus,” c’est une des gravures les plus profondes au monde sur ce type de composants, au laser avec une finesse de trois dixième. Le client est un monsieur qui est comme tout le monde, et qui a fait beaucoup de sacrifices, beaucoup d’heures supplémentaires pendant quatre ans pour pouvoir se l’offrir, et qui s’est très impliqué. Je lui suis infiniment reconnaissant car il a été un peu comme un mécène, lui qui au départ voulait s’acheter une montre de grande marque horlogère.

À quel moment un perfectionniste se dit-il « Ça y est, j’ai fini. » ?
J’ai terminé la montre en février de cette année, et je l’ai livrée en mars. J’en ai ressenti une grande libération. Le fait d’être constamment dans la recherche du mieux, c’est beau certes, mais difficilement supportable. On est étranglé, tiraillé, constamment sous pression... c’est très motivant mais on subit beaucoup de pression. C’est une quête sans fin, et si on ne fait pas attention, on se perd. A un moment il faut savoir arrêter. Et en même temps, on explore d’autres choses, ce qui permet, tout en livrant un premier projet fini, de pouvoir bifurquer sur d’autres projets. • Lire l’interview complète sur ville-gardanne.fr

* Étaient aussi nommés : Faire le mur, Myriam sculpture et Deneuville guitares. Félicitations à eux.