Médiathèque

Avec Mélanie Fazi, la littérature c’est fantastique Energies 409 - Bruno Colombari

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Les lauréats du concours de nouvelles de la médiathèque ont été récompensés le 14 décembre dernier à l’occasion de la venue de Mélanie Fazi, une valeur montante de la littérature fantastique française.

IL A ÉTÉ QUESTION D’ENTITÉ SCHIZOPHRÈNE BLOTTIE DANS LE FOIE, d’un loup à crinière rouge, d’une ombre envahissante et bavarde, d’une fille habitée par un vampire, d’une femme au visage d’homme et de soeurs jumelles aux pulsions meurtrières. Voilà les sujets des nouvelles primées par le concours lancé par la médiathèque, sur le thème de l’Autre dans la littérature de l’imaginaire. Une trentaine de textes ont été reçus et lus par un jury de professionnels du livre, des lecteurs et même un astrophysicien. Et le 14 décembre, c’était la remise des prix. « On voulait lancer ce concours pour mettre en valeur notre fonds de littérature fantastique, explique Agnès Couvret, de la section adulte de la médiathèque. On a alors pris contact avec un écrivain, et on l’a invité. »

L’AUTEUR, C’EST MÉLANIE FAZI, UNE DES VALEURS MONTANTES EN FRANCE DE LA LITTÉRATURE FANTASTIQUE, qui est venue remettre les prix en personne dans un auditorium plein. La veille, elle avait rencontré des élèves de seconde bac pro de Valabre et une classe de quatrième du collège Gabriel-Péri. C’est d’ailleurs à l’âge du lycée qu’elle a découvert la littérature fantastique : « C’est un genre très riche, qui permet d’aborder de nombreux thèmes. Au début, j’ai commencé par imiter ce que je lisais, puis j’ai publié deux recueils de nouvelles et deux romans [Arlis des forains et Trois pépins du fruit des morts] ainsi que des anthologies. »

Très sollicitée par un public curieux de découvrir les petits secrets d’un écrivain, Mélanie explique : « J’aime poser un personnage, une ambiance qui tend vers une chute. J’ai du mal à écrire si la fin n’est pas claire dans ma tête. Il faut avoir une petite longueur d’avance sur le lecteur. Avant, j’aimais bien jouer sur la terreur d’un personnage. Maintenant, je mise plutôt sur l’effet de surprise. » Papier ou clavier ? « J’écris sur ordinateur, c’est bien plus pratique, d’autant que l’éditeur demande des textes au format numérique. Et comme j’écris plus vite au clavier qu’à la main... Mais j’ai toujours un carnet sur moi pour noter les idées quand elles me viennent.  »

Sur ce qui l’inspire, elle évoque la mythologie grecque : « Je suis fasciné par les mythes, notamment ceux sur les saisons. Ça fait partie de ma culture, comme les dessins animés. Dans un de mes textes, j’ai transposé Ulysse et Circé à notre époque, avec Circé en patronne de resto. Sinon, j’admire Stephen King et Lisa Tuttle, un auteur envers qui j’ai une énorme dette et que j’ai fait découvrir en France. » Sur le peu de succès de la littérature fantastique française, elle constate qu’il y a « pourtant des auteurs originaux, mais ils sont peu connus. Les éditeurs associatifs sont plus audacieux que les gros éditeurs. » Comme les éditions Dystopia, par exemple, qui ont contribué à la venue à Gardanne de Mélanie Fazi. Et pour être édité, justement ? « Il faut d’abord se renseigner sur les éditeurs, en trouver qui publient le genre de textes que vous écrivez. Ensuite, c’est un peu de la chance, il faut que le bon texte arrive à la bonne personne au bon moment. »

MÉLANIE NE VIT PAS QUE DE LA PUBLICATION DE SES TEXTES, puisqu’elle est aussi traductrice pour les éditions Bragelonne : « Je traduis peu de textes qui ressemblent à ceux que j’écris. L’an dernier par exemple, j’ai traduit un livre de mille pages, alors que mes nouvelles en font dix. C’est paradoxal ! » C’est aussi un exercice enrichissant : « J’apprends beaucoup sur l’écriture en traduisant, par exemple sur le rythme des phrases. On apprend à repérer les clichés. Et parfois, il faut oser couper. » Et quand on lui demande si elle aimerait que ces histoires soient adaptés sur grand écran, sa réponse tranche dans le vif : « En SF, le cinéma a vingt ans de retard sur la littérature. Matrix était très novateur quand il est sorti [en 1999, NdlR], alors que les thèmes qu’il aborde existaient déjà dans les romans des années soixante. Être adaptée, pourquoi pas ? Mais je ne voudrais pas travailler pour le cinéma. Le film éclipse le livre, et il faut s’attendre à ce que le résultat n’ait rien à voir. » Enfin, elle aimerait que le public ait moins d’a priori sur le fantastique : « Pour certains, ça fait peur ou c’est vieux jeu, alors que c’est un genre profondément psychologique, qui explore les failles des personnages, leurs angoisses, leurs démons. »

Avant de se livrer à une séance de dédicaces, Mélanie Fazi a tiré un petit coup de chapeau : « Depuis quelques années, je suis régulièrement invitée par les médiathèques. Elles font un vrai effort pour faire découvrir les textes, comme les libraires d’ailleurs. Ils jouent un rôle de passeur entre les auteurs et le public. » La plupart des livres de Mélanie Fazi sont édités par Bragelonne et Folio SF. Ils sont disponibles à la médiathèque.

Concours de nouvelles : paroles de lauréats

Nicolas Lozzi, premier prix dans la catégorie adultes, pour Le camarade inhérent, est libraire dans une grande enseigne culturelle à Aix. « J’avais déjà écrit des nouvelles avant, j’avais participé à un concours au Crous quand j’étais étudiant. Après, j’ai écrit des articles et des études sur des polars, mais ça faisait longtemps que je n’avais plus écrit de fiction. Quand j’ai su que Mélanie Fazi serait là, ça m’a incité à participer au concours. Je la connais et j’apprécie beaucoup ses textes. »

Émilie Le Rallec est Gardannaise et lycéenne à Luynes. Elle a obtenu le premier prix de la catégorie 15-18 ans pour Cohabitation. « J’écris une fois par mois pour le blog de “Je bouquine.” L’affiche du concours m’a inspirée. Écrire est un plaisir pour moi, mais pour le blog, ce sont des épisodes courts, 500 mots environ. Là, c’est une histoire entière avec un début et une fin, c’est différent. Je vais essayer de faire un stage aux éditions Bayard. »

En catégorie adulte, Isabelle Abello (2e prix, pour L’Autre) et Louisa Marmol (3e prix, pour Je d’ombre) ont été également récompensées. Le lycée professionnel de La Viste a obtenu le 2e prix des 15-18 ans pour son texte collectif Double face. Et Béatrice Pascale a été primée en moins de 15 ans pour White blood. Enfin, le jury a décerné un prix spécial à la plus jeune participante, Léna Sausse, pour son Livre des secrets et un prix d’encouragement à la classe de 4e du collège Péri.