Entrée d’ENDESA dans le capital de la SNET

Autour de la centrale, les grandes manœuvres ont commencé Bruno Colombari

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Quatre mois avant l’ouverture à la concurrence du marché électrique pour les entreprises, la Centrale thermique de Gardanne est au cœur de transactions sur le capital de la SNET. Les salariés ont obtenu le maintien d’une prime d’intéressement initialement réduite de moitié.

Visiblement, l’entrée de Gaz de France dans le capital de la SNET (filiale d’EDF qui gère la centrale thermique de Gardanne) se fait dans la douleur. Le conseil d’administration de Charbonnages de France qui devait entériner la nouvelle donne fin février a été annulé. Un contretemps fâcheux pour le groupe espagnol Endesa, qui devait devenir actionnaire majoritaire avec 65 % du capital (contre 35 % pour GDF), pendant que Charbonnages et EDF cédaient toutes leurs parts. Il semblerait que ce contretemps vienne de l’État, malgré l’accord de principe de Francis Mer, le ministre de l’économie et des finances. Les enjeux sont considérables : au 1er juillet, toutes les entreprises, quelles que soient leur taille et leur consommation, pourront choisir leur fournisseur d’électricité. EDF se prépare à la privatisation (qui n’est pas indispensable pour s’ouvrir à la concurrence) et GDF accélère sa diversification dans la production électrique : environ 300 millions d’euros pour acquérir les 35 % de la SNET et 2,5 milliards d’euros investis d’ici 2006.

« Il faut bien voir que la SNET est un laboratoire de la déréglementation et de la privatisation du marché de l’énergie en Europe, souligne Serge Coutouris, délégué CGT. Ce qui arrive aujourd’hui, on le dit depuis le début : après la filialisation vient l’ouverture du capital, qui aboutit à la privatisation. » Les salariés de la SNET à la centrale thermique de Gardanne ont d’ailleurs fait grève (à l’appel de la CGT et de la CFTC) en bloquant le site, le 28 janvier, et en abaissant la production électrique au minimum technique pendant quelques heures. La raison ? « La prime d’intéressement annuelle a été divisée de moitié par rapport à l’année dernière, alors même que l’entreprise a félicité les salariés pour la qualité de leur travail à l’automne dernier. Nous avons obtenu le rétablissement de cette prime. Mais nous demandions aussi des embauches complémentaires sur le site. Les heures supplémentaires s’accumulent, les conditions de sécurité se dégradent et on fait de plus en plus appel à des intérimaires. Au moment même où des salariés détachés de la mine s’en vont ! Le combat que l’on mène, c’est avant tout une question de dignité. »
Dans leurs négociations avec la SNET, les syndicats ont obtenu des assurances sur la désulfuration du groupe 5 (qui ne sera plus aux normes européennes après 2007) même si, côté direction, on dit attendre la décision des actionnaires et des garanties administratives début mars. La désulfuration du groupe 5 devrait être financée à 75 % par EDF, mais il est possible qu’une centrale équivalente en Lorraine passe avant celle de Gardanne.

Des investissements devraient également être engagés sur le groupe 4. « Le groupe 4, avec son lit fluidisé circulant, c’est une vitrine technologique, explique Serge Coutouris. Or, si une vitrine technologique c’est bien dans le service public, personne n’en veut dans le privé, ça coûte trop cher. » Le montage financier complexe de la SOPROLIF (société provençale pour le lit fluidisé, qui gère le groupe 4) est clairement remis en cause. Et l’utilisation à plein rendement d’une chaudière conçue essentiellement pour répondre aux pointes de la demande n’améliore pas la situation. Quant au sixième groupe qui devait relancer l’investissement sur le site de la centrale, il semble définitivement aux oubliettes. Un projet Suez-Vivendi sur le site de Fos, près du terminal minéralier, aurait plus la cote chez les décideurs.
Affaire à suivre.