Il nous fait aimer Gardanne

Au nom de tous les siens Energies 434 - Bruno Colombari

Publié le

Quelques jours avant la commémoration du centenaire du génocide arménien, Charles Doloyan, dit Gago, raconte le parcours de sa famille de l’Anatolie à Gardanne en passant par Alep.

La photo date du tout début des années 30. avant 1932 en tout cas, puisque l’oncle de charles allait disparaître dans la tragique explosion des autoclaves de l’usine d’alumine cette année-là. L’arrière-plan n’est qu’un décor dans la boutique d’un photographe arménien de Biver. Voilà les sept survivants de la famille Doloyan, décimée par le génocide de 1915. Ceux là ont été sauvés grâce à un oncle qui avait fui une première vague de massacres en 1895 et s’était installé en Californie.

Après avoir fui la région de Karpout, ils se retrouvent en 1921 dans un camp d’Alep, en Syrie. En août 1925, via Beyrouth, les voilà embarqués en Méditerranée, direction Marseille et le sinistre camp Oddo. « La France avait besoin de main d’oeuvre qualifiée. Quand mon père est arrivé, il a travaillé cinq ans à la mine, à Biver, avant d’être embauché à Pechiney. Il a écrit à ma mère, qu’il ne connaissait pas, pour la faire venir en France. »

Gago (diminutif de Garabet) est né à Gardanne en 1936, dans une maison de l’actuelle rue Jean-Moulin où vivaient cinq autres familles. « Dès le début, il y avait des associations communautaires pour transmettre la culture, les valeurs et surtout la langue. Comme beaucoup d’Arméniens avaient perdu leur famille, c’est la communauté qui en tenait lieu. Mais les parents voulaient avant tout s’intégrer, ne pas faire d’histoire, ne pas revendiquer. »

Les enfants étaient apatrides jusqu’à leur majorité, où ils devenaient français. Les adultes, eux, devaient faire une demande de naturalisation. « C’est à partir des années soixante qu’il y a eu une prise de conscience en France par rapport au génocide et au négationnisme du gouvernement turc. » Le tremblement de terre qui ravage l’Arménie le 7 décembre 1988 entraîne un élan de solidarité sans précédent.

L’Amicale des Arméniens de Gardanne, créée dans les années 1970 par Gisèle Boghoian, se mobilise et collecte des médicaments, des vêtements. « Depuis, on continue notre action humanitaire, on finance avec les dons de la communauté des adductions d’eau dans les villages, du matériel pour les écoles, des salles de sport, et on va là-bas pour constater que l’aide arrive bien. »

Gago a pris la présidence de l’association en 1993. Et douze ans plus tard, un khatchkar, une croix de pierre sculptée en Arménie, est installé au square Deleuil. « On y voit les symboles arméniens, le mont Ararat, la grenade, le raisin. » C’est là que sera commémoré le centième anniversaire du génocide, le vendredi 24 avril à 10h.