Economie

Alcan : investissements, OPA et incertitudes Loïc Taniou

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Alors que l’usine d’Alcan Gardanne inaugure une nouvelle unité de production, l’OPA du groupe australo-britannique Rio Tinto sur Alcan vient d’aboutir. Mais le jeu de PacMan ne semble pas terminé. Les syndicats émettent des réserves sur la manière dont se jouent ces fusions-acquisitions sans aucune consultation des salariés.

« Bienvenue chez Rio Tinto Alcan » proclame Frédéric Weishaar, PDG Europe d’Alcan en cette fin de matinée du 26 octobre, officialisant ainsi que l’offre publique d’achat (OPA) annoncée depuis le mois de juillet du groupe minier Rio Tinto sur Alcan est sur le point d’aboutir car elle vient d’obtenir le feu vert des tutelles dirigeantes d’Alcan deux jours auparavant. Pour le responsable, « c’est la confirmation de ce que l’on attendait. » En effet, il s’agissait d’une OPA amicale à l’inverse de celle proposée par le groupe américain d’Alcoa jugée hostile. « Pour l’équipe de management d’Alcan, explique le PDG, les deux groupes Alcoa et Alcan oeuvrent dans les mêmes domaines, les zones de recouvrement sont trop nombreuses. Tandis qu’avec Rio Tinto, c’est différent, il existe une vraie complémentarité. »

Rio Tinto est principalement un groupe minéralier. Il possède de nombreuses mines de fer, de charbon, de cuivre, de diamant et de bauxite et ne connaît qu’une petite activité de production d’aluminium. Avec cette fusion, le nouveau groupe Rio Tinto Alcan devient ainsi le leader mondial de l’aluminium, de la bauxite et le quatrième dans la production d’alumine.

Dividendes et incertitudes

L’OPA de Rio Tinto d’un montant de 38,1 milliards de dollars va rapporter quelques 140 millions de dollars aux gros actionnaires. « Pour quelques-uns, des millions de dollars. Pour tous les autres, c’est l’incertitude de l’emploi, les bas salaires avec une large majorité de salariés qui ne perçoivent même pas 1 500 euros par mois, » soulignent les organisations syndicales. Les analyses financières réalisées par des experts mandatés par les organisations syndicales font apparaître que les alumines de spécialité ne sont pas le coeur de l’activité de Rio Tinto, ni ses principales préoccupations.

« Pourtant, il y a un centre de compétence très performant en face de l’usine de Gardanne, tient à rappeler Denis Magne, délégué syndical CFDT, avec Alceng (Alcan Engineering), un laboratoire d’analyse et un département de recherche et développement. Un centre qui est indissociable de l’usine avec laquelle il développe des synergies communes de proximité qui permettent d’être performant sur la maintenance d’usines, l’aide à l’assistance technique, à l’installation de procédés chimiques. Et il existe de bonnes opportunités pour Rio Tinto de créer des usines en Afrique, en Amérique du Sud où Gardanne peut avoir un rôle à jouer. »

OPA : une de plus

Le jour de la clôture de l’OPA de Rio Tinto sur Alcan, le 8 novembre, survient un nom étrange, celui de BHP Billiton. Il s’agit d’un autre groupe minier lui aussi australo-britannique, numéro un mondial dans la production de minerais de fer, qui vient d’annoncer une OPA sur le groupe Rio Tinto pour un montant de 110 milliards de dollars. Le cynique jeu de PacMan se poursuit laissant transparaître bien des interrogations. « Peut-on offrir autant de garanties aux salariés qu’aux actionnaires ? » s’interrogent les organisations syndicales, dénonçant le fait de n’être jamais informées des stratégies et des orientations prises par les actionnaires. « Rio Tinto a indiqué vouloir se donner 100 jours, précise Jacques Armani, responsable syndical FO, pour déterminer la mise en place des sites, ceux qui seront conservés, ceux qui seront vendus ou fermés. »

Pour Denis Magne, délégué syndical CFDT, la proposition de rachat de Rio Tinto faite par BHP Billiton rajoute des inquiétudes « On devient tout petit. Que pèsent les alumines de spécialité face au domaine minier ? » Si Rio Tinto Alcan semblait aux dires de la direction vouloir conforter le site de Gardanne et se défaire de centres d’emballage et d’unités de production de tôles profilées, qu’en sera-t-il avec le nouveau venu BHP Billiton si son OPA se concrétise ?

Installations nouvelles pour Gardanne

L’usine de Gardanne réalise désormais 80 % de son chiffre d’affaires en alumines de spécialité et 20 % en alumines métallurgiques. Les alumines de spécialité - que l’on retrouve dans les écrans plasmas, les pots catalytiques, les lessives, les plaques vitrocéramiques - se vendent jusqu’à 10 fois mieux que celles métallurgiques et offrent des débouchés sur des marchés mondiaux en pleine expansion, notamment aux USA et en Asie. Le groupe Alcan vient ainsi d’investir 20 millions d’euros sur le site de Gardanne entre 2006 et 2007, pour de nouvelles installations qui ont pour objectif d’accélérer son développement sur le marché mondial des alumines de spécialité et de poursuivre ses efforts pour réduire son empreinte sur l’environnement. Parmi, les récents investissements destinés à conquérir ces nouveaux marchés, on retrouve un atelier de broyage de particules (5 millions d’euros), 12 silos de stockage supplémentaires et atelier de conditionnement (5 millions d’euros). Ceux-ci ont été inaugurés le vendredi 26 octobre, à l’usine de Gardanne. L’atelier broyeur peut produire de 100 à 200 tonnes/ jour d’alu mines broyées entre 3 et 10 microns. « Il s’agit d’un broyeur à jets d’air qui réduit la taille des particules, explique un responsable technique d’Alcan. Les particules se frottent entre elles, une turbine de sélection fait monter les particules réduites qui vont être récupérées dans un filtre. » Ces dernières sont ensuite stockées dans des silos avant d’être conditionnées. « Nous sommes les seuls à utiliser cette technologie de broyage, précise Dominique Delmas, directeur d’Alcan Gardanne. L’implantation sur le site même de silos va supprimer un millier de voyages de camions par an. Nous sommes fiers de faire partie de cette aventure humaine commencée il y a un siècle et que l’on souhaite continuer le plus possible. »