Economie

Alcan entre doutes et projets Bruno Colombari

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Alors que l’OPA lancée par le groupe Rio Tinto semble sur le point d’aboutir et interroge les syndicats de l’entreprise, les ingénieurs d’Alcan diffusent dans le monde entier une technologie de manutention de l’alumine conçue à Gardanne.

Même le sultanat d’Oman s’y est mis. Pour sa future usine d’aluminium de Sohar, dont l’ouverture est prévue en 2008, le sultanat a adopté le système de manutention d’alumine HDPS (hyper dense phase system). Un système imaginé et développé à Gardanne depuis une vingtaine d’années, et vendu dans le monde entier. « Cette technologie permet d’alimenter en alumine les cuves d’électrolyse dans les usines d’alu minium, » explique Raymond Roumieu, chef de projet à Alceng (Alcan Engineering). « On a découvert que l’alumine mélangée à de l’air à basse pression devient aussi fluide que de l’eau. On peut donc l’ache - miner sur des centaines de mètres dans des tuyauteries en consommant très peu d’énergie et en ne produisant pas de poussières. C’est une technologie qui pourra être développée pour d’autres produits. » Des entreprises locales, partenaires historiques de Pechiney, ont été sollicitées pour fabriquer le matériel.

Située en contrebas des bâtiments du centre de recherche, sur le flan de la colline des Frères, Alceng abrite une cinquantaine d’ingénieurs locaux ou étrangers. Dans les couloirs, on y croise des Australiens, des Libanais, des Grecs et bien sûr des Canadiens, depuis que Pechiney est passé sous la coupe d’Alcan en 2003. « Nous étions un centre de coût, nous sommes maintenant un centre de profit. Nous vendons de la technologie, mais nous nous déplaçons chez nos clients pour démarrer les procédés, que ce soit au Mozambique, au Venezuela, en Argentine, en Inde ou en Islande. Nous venons de déposer un troisième brevet pour le système HDPS, nous devons garder notre avance sur nos concurrents. »

OPA, le retour

Mais la bonne santé financière de l’entreprise ouvre les appétits. Après l’Américain Alcoa, le groupe minier anglo-australien Rio Tinto a lancé une OPA sur Alcan qui devrait se concrétiser d’ici le 23 octobre (sous réserve d’accord des autorités de la concurrence européennes et australiennes). Pour 38 milliards de dollars, le géant canadien changerait de mains. Une situation inquiétante pour les organisations syndicales d’Alcan, qui ont rencontré le 11 septembre dernier des représentants du ministère de l’économie. Aucune réponse concrète n’est venue, sinon qu’il était impossible d’organiser une concertation européenne pour obtenir des garanties sur l’activité et l’emploi.

A Gardanne, les représentants de FO, la CGT et la CFE-CGC ont été reçus le 24 septembre par Roger Meï et Philippe Pintore, élu au développement économique. « Les effectifs sont passés de 550 début 2006 à 450 aujourd’hui, avec des départs en retraite non compensés et l’appel aux sous-traitants, » constate Georges Selva (CGT). « On se tourne vers les collectivités locales pour qu’elles obtiennent des informations auprès de la Préfecture, » demande Jacques Armani, délégué FO. Le site de Gardanne est bénéficiaire, et un arrêt de l’activité à Gardanne coûterait très cher à un éventuel repreneur. Mais si la transformation de la bauxite en alumine (procédé Bayer) est abandonnée à Gardanne, les effectifs pourraient encore baisser de moitié.