Portrait - Marcel Puente

13 fois le tour du monde à vélo Bruno Colombari

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MARCEL PUENTE, 77 ANS. En un peu plus de six décennies, il a parcouru autant de kilomètres à vélo que la plupart d’entre nous en voiture. Il en a même fait un décompte très précis, sur des cahiers d’écolier remplis chaque année avec soin : 521 000 kilomètres, soit un peu plus de treize fois le tour du monde. C’est ce qu’on appelle un vrai amateur : si Marcel Puente a bien fait de la compétition dans sa jeunesse, à l’Amical Vélo Club Aixois, l’essentiel pour lui c’est bien de rouler, peu importe le contexte.

Copain de virée de Jean-Claude Mouren (décédé il y a trois ans), il a gravi tout ce qui se fait de mieux dans la région en terme de cols : « le plus dur, c’est le col Agnel, après Guillestre. C’est le plus haut de tous ceux que j’ai escaladé : 2 744 mètres. Celui que je connais le mieux, c’est celui des Orres, je l’ai fait 39 fois. » Alors qu’il fêtera en août prochain ses 78 ans, Marcel fait encore trois sorties par semaine avec ses copains du CLES : « en hiver, on fait 60 à 65 km par sortie, en été on en fait une centaine. » Et s’il est un peu plus regardant sur ses efforts, ces derniers temps, c’est sur les conseils d’un médecin avec qui il fait chaque année une épreuve d’efforts. « Il m’a dit : allez-y doucement, surtout dans les cols. »

En 2001, il s’est arrêté cinq mois pour une fracture de l’épaule. Une chute à vélo ? « Même pas ! Je suis tombé chez moi, dans les escaliers. » Des bicyclettes, Marcel n’en a usé qu’une demi-douzaine, et celle qu’il a achetée il y a trois ans sera la dernière. « J’en prends soin. Quand on courait avec les copains, s’il y avait une roue voilée, je la réparais et un quart d’heure après on pouvait repartir. » Depuis sa retraite, il a participé à vingt brevets, des épreuves cyclistes amateurs en montagne, avec une vingtaine de cols en moyenne à franchir en trois jours. « Le 7 mai 1986, avec Jean-Claude, on a fait 178 km et onze cols dans la journée ! Là, c’était vraiment dur. » Mais le portrait du cycliste amateur ne serait pas complet sans évoquer ce que fut son métier pendant 36 ans : « Je suis entré à la mine à 15 ans, en 1940. Ils m’ont mis de suite au fond. C’était dur, on était moins bien outillé que maintenant. Mais on se régalait. Je ne me suis jamais plaint. »

Il aurait pu, pourtant. En 1947, il est naturalisé français, alors qu’il avait quitté l’Espagne (il est né à Velez Rubio, un petit village près d’Almeria) à l’âge de deux ans, et fait dix-huit mois d’armée à partir de 1951. En 1959, il se retrouve coincé dans un éboulement, au fond, et doit la vie à son frère. Il s’en tire avec deux jours de coma et des douleurs tenaces au dos. En 1970, il perd l’index de la main droite, sectionné par un bloc rocheux tombé du toit d’une galerie. Et maintenant, quand il se retourne sur toutes ces années, c’est aux mineurs d’aujourd’hui qu’il pense : « la fermeture de la mine me fait beaucoup de peine, surtout pour ceux qui n’auront pas une retraite complète. J’ai travaillé jusqu’à 51 ans, j’ai touché ce qu’on me devait. »